16
May
« Si nous n’agissons pas il en va de notre survie “ Khalid Saidi, producteur et président de la commission Agro technique de l’APEFEL
Agriconferences 2011 a permis de débattre d’une problématique importante au niveau de la production marocaine et qui est : «Vers quel type de serre doit on s’orienter et pour quelle raison ?
Lors de cette journée d’étude nous avons eu l’occasion, notamment lors de l’intervention de Guadalupe Lopez Diaz de Tecnova, de récapituler la définition d’une serre, les différents types qui existent ainsi que leurs caractéristiques, avantages et inconvénients respectifs.
La serre est une structure qui protège les plantes et les cultures et qui optimise la transmission du rayonnement solaire dans des conditions contrôlées pour améliorer l’environnement de la culture et dont les dimensions permettent le travail des personnes.
L’objectif de la serre est de protéger des aléas climatiques et permettre un contrôle des variables telles que la température, la pluie, l’humidité relative, le rayonnement incident et le CO2. Par ailleurs, les avantages qu’apporte la serre sont les suivants :
- Culture hors saison
- Gain en précocité
- Culture dans des zones à climat difficile et à des moments où se n’est pas possible
- Plusieurs cycles de production
- Augmentation de la productivité et de la qualité
- Meilleure gestion des ressources naturelles
Dans son intervention Mme Lopez Diaz a classifié les 2 types de structures aussi bien la serre type Almeria que la serre multichapelle.
La serre type Almeria ou type Raspa y Amagado se caractérise comme suit :
- Structure tendue
- Résistante au vent
- Grande adaptation à la géométrie du terrain
- Prix concurrentiel
- Etanchéité moyenne ou faible, selon le type
Les inconvénients de cette structure sont :
- Complexité de la construction
- Obstacles nombreux
- Faible étanchéité contre la pluie
- Faible inertie thermique
- Faible surface de ventilation
- Possibilité d’intégration technologique minime
- Risques dus à la main d’œuvre
Concernant la serre multichapelle les caractéristiques principales sont les suivantes :
- Structures modulaires
- Etanchéité importante
- Grande inertie thermique et contrôle du climat
- Possibilité d’intégration technologique importante
- Translucidité
Les catégories de multichapelles :
- Hémicylindrique
- Asymétriques
- Gothique
Les inconvénients de ces structures sont les suivantes :
- Prix
- Déchirure plastique
Les serres marocaines sont des abris canariens qui ont plus ou moins les mêmes caractéristiques que les serres type Alméria. Dans son intervention Saidi Khalid, président de la commission Agrotechnique de l’APEFEL a présenté le travail du comité serre érigé pour la préparation d’Agriconferences 2011 en faisant une synthèse claire et argumentée de la situation dans la serre marocaine actuelle.
Le constat de la profession est clair : la production de tomate subie des contraintes indéniables outre le quota et le calendrier de production, ce sont les abris serres par leur caractère passif, qui font que le producteur subit un climat très peu favorable et très peu maitrisable. Ce facteur climat est aujourd’hui, l’élément le plus difficile à contrôler car il requière de revoir complètement le type de structure.
La serre canarienne Marocaine après les modifications dues à la protection contre la mouche blanche qui ont induit une herméticité due aux filets insectes proof, est devenue un abri au climat confiné. « Etant donné la difficulté à faire circuler l’air dans ce type d’abris, nous sommes en droit de nous poser la question du niveau de CO2 dans les abris marocains » exprime Khalid Saidi.
Au niveau de l’outil, les difficultés diffèrent selon la période mais peuvent êtres résumées comme suit sachant qu’elles induisent toutes une perte quantitative et qualitative au niveau de la production :
- Chaulage non maitrisé
- Amplitude thermique subies
- Pluviométrie : lorsqu’il pleut à l’extérieur, il pleut également l’intérieur des abris
- Faiblesses racinaires
Par ailleurs le producteur marocain doit faire fasse aux contraintes suivantes :
- Rareté de l’eau
- Augmentation du prix des intrants
- Quota
- Baisse de tonnage
- Problèmes de transport (lignes irrégulières, surcoût sur les marchés lointains…)
- Concurrence organisée et de plus en plus performante
Globalement, les objectifs d’une amélioration de nos structures seraient :
- Mieux répondre aux exigences des clients
- Présence plus régulière sur les marchés
- Amélioration de la qualité
par une :
- Gestion active du climat
- Adoption de la lutte intégrée à 100%
- Amélioration de l’offre
- Amélioration de la productivité et donc de la compétitivité
Le changement des structures devra être graduel mais ne pourra se mettre en place sans une implication du ministère de tutelle au travers de subventions, des établissements de crédits qui devront permettre un accès facile au crédit avec des taux préférentiels. En effet, vu le niveau d’investissement, le producteur ne pourra prendre à sa charge une telle reconversion et tous les opérateurs devront mettre la main à la poche.
Apport des constructeurs de serres
Parmi les constructeurs de serres présents, la société Richel a brossé un tableau de ses principaux modèles et innovations en mettant l’accent sur la qualité de ses matériaux, sa capacité de fabrication ainsi que sa grande expérience dans le bassin méditerranéen. Ensuite Olivier D’Eaubonne représentant de Richel a mis l’accent sur une des exclusivités du groupe à savoir le tube ovalisé de 90 qui permet de construire des chapelles de 12,80 m optimisant ainsi l’impact de la lumière.
A titre indicatif, Olivier d’Eaubonne a présenté quelques exemples de rendements à l’hectare dans des zones de productions plus ou moins similaires aux nôtres telles que la Turquie où certains producteurs faisant usage de chauffage, d’injection de CO2 et de hors sol atteignent des rendements de 35 à 38kg/M² (sur une culture d’hiver). Au Mexique qui bénéfice d’un meilleur ensoleillement certains producteurs sont au dessus de 55 kg et même au dessus de 60 Kg pour certains d’entre eux (sur une période de 11 mois). Cette performance n’est pas seulement due à la serre comme l’a souligné Olivier D’Eaubonne, car la serre est un outil qu’il faut tout d’abord apprendre à manier, mais des équipements tels que le chauffage, les brasseurs d’air ainsi que l’enrichissement en CO2 sont importants pour l’atteinte de tels rendements. C’est ainsi que les constructeurs tendent à proposer des solutions globales dites clés en main comprenant tous les équipements requis parfois même le transfert technologique nécessaire à leur utilisation efficace.
La société Harnois, a pour sa part présenté une étude économique réalisée au Maroc, sur une durée de 8 mois, pour pouvoir évaluer l’enjeu de passer d’une serre canarienne actuelle vers une serre haute technologie de type multichapelle.
L’étude économique présentée par Eric colcombet d’Harnois présente et comparent 4 modèles de serre:
- Canarienne
- Luminosa non chauffée (la serre Luminosa est un type de serre proposé par harnois)
- Luminosa avec chauffage (air pulsé)
- Luminosa avec chauffage (eau chaude)
Esteban José Baeza Romero pour Hortisud a quand à lui décrit un nouveau prototype de serre qui permettrait ce qui suit :
- Augmentation de la production
- Amélioration de la qualité
- Cultiver toute l’année
- Améliorer l’efficience dans la gestion de l’eau, de l’énergie et de la main d’œuvre
Cette serre a les caractéristiques suivantes :
- Chapelles de 8 mètres
- Plastique tendu
- Hauteur au chéneau de 4,6 m
- Hauteur sous faîtage de 6,9 m
- Pente de 30 º
- Maximisation de la ventilation
- Fenêtres doubles de 1,9 m de largeur avec crémaillère de 1,5 m dans toutes les chapelles
Indication techniques et mécaniques en condition de culture sous serres
Parallèlement, les différents constructeurs ont aussi donné un aperçu technique des différentes évolutions au niveau de la construction de serre en mettant l’accent sur plusieurs points importants pour l’optimisation de la culture et de la structure :
- Le volume d’air dans la serre
- La lumière
- La ventillation
- La ventillation naturelle
- La condensation
La plupart des constructeurs soutiennent l’importance du volume d’air sous la serre puisqu’il a un pouvoir tampon. Ils s’accordent à dire que plus le volume de l’air va être important moins la serre va être sensible aux variations de température. Par ailleurs, l’accent a été mis sur la nécessité d’un important volume d’air afin de permettre l’installation des équipements de type écrans thermiques qui évitent de chauler et protègent en cas d’excès de luminosité.
Il faut par ailleurs savoir que le premier facteur limitant au niveau de la production est la lumière et ce puisqu’il est admis que 1% de lumière en plus = 1% de production en plus. Olivier d’Eaubonne dans sa présentation a fait référence à une étude élaborée par une société de substrat (laine de roche) qui montre que « La pente de toit a une influence favorable sur la transmission de la lumière : une pente supérieure à 22° améliore la pénétration de la lumière de 0,4% par degré ».
Harnois propose quant à lui des serres de type ogive ou la structure est minimisée au maximum pour éviter les effets d’ombrages sur la culture.
Enfin, le gouttage est un frein à la pénétration de la lumière car les gouttelettes réfléchissent les infrarouges courts ce qui peut créer une inversion de température. La condensation réduit la transmission de la radiation jusqu’à 15%, cet excès d’humidité augmente le risque de maladie. Des pentes de couvertures à 25° ainsi que l’usage de film plastique anti- goutte permet d’évacuer l’eau de la couverture de la serre.
Richel pour palier à ce phénomène propose des serres gothiques avec une pente de 27 ° et une possibilité d’évacuation et de récupération des eaux de condensation ce qui permet en outre de réchauffer la serre plus rapidement le matin car « il est plus facile de chauffer de l’air sec que de l’air humide » comme l’affirme Olivier D’Eaubonne.
Pourquoi la ventilation naturelle est elle si
importante ?
Cette question qui met l’accent sur l’importance de la ventillation naturelle a été soulevée et traitée dans les interventions de Thierry Boulard de l’INRA France et d’Esteban José Baeza Romero pour Hortisud.
Ces 2 experts ont mis l’accent sur le fait que la plante reste le premier agent réfrigérant naturel d’une structure. D’où l’importance de maintenir des plants en bonne santé puisqu’à elles seules, elles peuvent diminuer jusqu’à 70% de l’excès de chaleur.
En soirée, il est intéressant de ventiler pour prévenir des phénomènes d’inversions thermiques par nuits claires, sans vent et aussi pour évacuer l’excès d’humidité.
Il est également primordial de pouvoir ventiler le matin afin d’éliminer
les gaz
potentiellement toxiques et nuisibles dus au chauffage de l’air par
combustion directe.
La ventilation naturelle est également nécessaire après l’application d’un traitement phytosanitaire et avant d’entrer dans la serre pour y travailler. L’aération naturelle devrait améliorer le confort thermique des ouvriers et opérateurs qui travaillent dans la serre.
Les 3 principales entraves à l’aération des serres de type Almeria :
- Surface d’ouvrant insuffisante
- Ouvrants peu efficaces
- Usage de filet insect-proof à faible perméabilité
Voici les constatations des travaux de recherche exposés par l’intervenant d’Hortisud, Esteban José Baeza Romero :
- Les ouvrants au toit favorisent la ventilation.
- Il est nécessaire d’augmenter cette surface d’ouvrant pour compenser l’utilisation de filets insect-proof.
- Les ouvertures latérales ont une influence importante sur la ventillation
- La pente des chapelles influe directement sur la ventillation mais aussi sur la lumière
D’autre part, le Docteur Boulard s’est intéressé à l’orientation des ouvrants par rapport au vent et leur impact sur l’aération des serres. Par ailleurs il s’est intéressé à la minimisation de la charge du filet insect-proof et ce par un nettoyage régulier ou en utilisant une nouvelle génération de filet appelé ultravent (ou similaire).
Par ailleurs, l’accent a été mis sur l’orientation de la serre et son importance quand à la maximisation de l’aération, d’après Thierry Boulard les pignons de la serre doivent être disposés face au vent dominant pour favoriser la pénétration du vent. De la même façon et pour faciliter la circulation de l’air dans la serre les lignes de plantation devront être disposées parallèles au vent.
Pour répondre à la question de départ vers quel type de serre doit-on s’orienter et pour quelle raison ?
Nous pouvons déjà répondre que l’amélioration des structures nous facilitera une meilleure maitrise du climat et donc une amélioration des rendements au m² ce qui va permettre une régularité et une plus grande compétitivité au niveau des marchés à l’export. Concernant le type de serre adéquat, la question reste ouverte et relève du besoin et potentiel de chaque producteur. Le choix entre la serre canarienne améliorée et la multichapelle sera certainement déterminé par la capacité des producteurs à lever des fonds et donc à sensibiliser l’état et les institutions financières à la gravité de la situation et au risque qu’encours l’export marocain de tomate et de fruits et légumes produits sous serres de façon générale si cette question des structures n’est pas résolues.
Dans le prochain numéro nous nous intéresserons aux aspects propriétés du film plastique, culture hors – sol mais également à une technique d’inter-plantation (ou interplanting) qui permet de cultiver toute l’année.