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May
INTERVIEW PROBLEMATIQUE DES SERRES AU MAROC
Par Mohammed Zahidi Fondateur de du cabinet conseil GREEN SMILE
Parlez-nous un peu du secteur de la tomate. Comment se porte-t-il aujourd’hui ?
Le secteur de la tomate au Maroc est d’une grande importance à la fois pour le marché national mais aussi pour l’export. Il fournit annuellement au consommateur marocain plus de 800 000 Tonnes, généralement à des prix abordables.
En ce qui concerne l’export, le secteur expédie aux alentour de 300 000 à 350 000 tonnes de tomate principalement vers l’Europe, faisant du Maroc le premier exportateur extra-européen de ce légume. Cette position est d’ailleurs l’objet d’une grande hostilité des milieux de la production sud-européenne, française et espagnole en particulier.
C’est donc un secteur confronté en permanence aux contraintes de la concurrence et des mécanismes protectionnistes européens.
Il est donc obligé de faire des efforts d’adaptation continus en matière de productivité, de qualité et de dynamisme commercial. Efforts pour se maintenir sur les marchés extérieurs mais qui profitent largement au consommateur marocain. Ainsi et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le fait de produire pour un marché extérieur exigeant, favorise l’approvisionnement du marché local en quantités et qualité.
Le secteur de la tomate est crucial pour l’économie du pays en termes d’approvisionnement du marché local, d’emploi et de source de devises.
Par son dynamisme, il constitue l’un des fleurons de l’économie agricole de notre pays.
Comment est la campagne de la tomate ?
La campagne actuelle s’est, jusqu’à présent déroulée de façon satisfaisante, avec quelques difficultés en décembre. Elle connait à l’heure actuelle un certain fléchissement des prix du à un excédent de l’offre et d’une baisse de la qualité en raison des conditions climatiques défavorables qui on prévalu ces 2 derniers mois.
Contrairement à la campagne 2009/2010, qui a connu 4 premiers mois difficiles suivis d’une période de prix exceptionnels (à partir de mars), cette campagne 2010/2011 a débuté avec une conjoncture assez favorable sauf le mois de décembre qui a été très moyen. Actuellement la tendance est à la baisse, tendance que l’on souhaite de courte durée.
Les tonnages exportés cette année à fin février sont de 242 000 tonnes contre 222 000 tonnes en 2009/2010 soit une progression de 9%. Cette augmentation est due au fait que la campagne dernière a particulièrement souffert de très mauvaises conditions climatiques.
Toutefois ce chiffre reste en deçà de la performance de la campagne 2008/2009, qui s’est élevée à la même date à 270 000 tonnes
Ou réside la problématique de la culture sous serres au Maroc ?
Elle réside dans le fait que la culture de la tomate se fait dans des abris plastiques (abris canariens) de plus en plus inadaptés pour permettre un haut rendement et une grande qualité.
Pourquoi ?
Parce que ces abris n’offrent aucune protection contre des conditions climatiques défavorables : forte pluviométrie comme en 2009/2010, basses températures hivernales, fortes chaleurs estivales ou durant les périodes de chergui.
Ces abris qui se justifiaient il ya une décennie, ou une longue période de sécheresse a quelque peu masqué leurs défauts, ont montré leurs limites. A l’heure ou les conditions climatiques sont marquées par de fortes chutes de pluie (plus de 6OOmm l’année dernière) et par des hivers rigoureux comme cette année, les dégâts sont considérables.
Actuellement, l’envolée des couts des intrants, les restrictions drastiques de l’emploi de pesticides, les exigences de qualité et régularité de l’offre sur un marché très concurrentiel, oblige à opter pour de vraies serres, offrant une protection contre les distorsions climatiques que nous avons citées.
Les gains en terme de rendements /m2 et qualité du produit permettraient de garder nos parts de marché face à des concurrents ayant anticipé cette démarche bien avant nous, ce qui risque de placer la tomate marocaine au rang de produits de second choix.
Quels sont les tous derniers nouveaux marchés du Maroc ?
Le marché qui prend de plus en plus d’importance en dehors du marché de l’U.E. est le marché russe .Ce marché lointain exige une logistique maritime et une coordination de la part des exportateurs habitués jusque là a travailler en camion frigo.
La ligne régulière Agadir-Saint Petersburg qui met en œuvre des porte-containers transportant à la fois primeurs et agrumes a montré les difficultés d’une telle entreprise. Cette expérience doit pouvoir continuer si l’on veut conquérir d’autres marchés.
Concernant d’autres marchés, il est à remarquer que les marchés nord- européens sont de plus en plus intéressés par la tomate du Maroc. C’est vrai aussi pour le marché allemand et britannique ou l’on constate des réexportations conséquentes à partir de Perpignan St-Charles, principale plateforme d’expédition de tomates et légumes du Maroc.
Comment se portent les exportations de la tomate vers l’union européenne ?
Les exportations de tomate du Maroc sur l’U.E. ont été comme suit, durant ces 5 dernières campagnes :
– 2005/2006 : 219 000 T
– 2006/2007 : 270 000T
– 2007/2008 : 294 000T
– 2008/2009 : 367 000T
– 2009/2010 : 293 000T
(Source : EACCE)
Ces chiffres montrent une progression modérée due a une demande accrue des opérateurs européens pour la tomate du Maroc. Une partie non négligeable de ces tonnages est dédouanée selon les prix d’entrée O.M.C. et donc écoulée à des niveaux de prix élevés sans aucun effet négatif sur le marché, contrairement aux allégations de certaines organisations de producteurs européennes.
Quels sont les problèmes que rencontre l’emploi dans ce secteur ?
Le secteur de la tomate de primeurs est un gros pourvoyeur de main-d’œuvre.
La région du Souss a attiré une population nombreuse des régions défavorisées du Maroc.
Cette immigration est en partie imputable à la dynamique « tomate». Il était tout à fait normal que se développent des mouvements revendicatifs avec tous les débordements qu’implique une pratique relativement récente du syndicalisme.
II est assez paradoxal que ces mouvements soient apparus dans des unités de production qui étaient le plus en conformité avec la législation sociale et dont les efforts en matière de protection et de logements de la main-d’œuvre, imposés d’ailleurs par les différents cahiers de charge des certifications exigés par les clients européens, sont les plus conséquents.
Notons qu’à l’heure actuelle une certaine paix sociale semble de rigueur dans un secteur ou les grèves ne sont pas concevables pour des productions périssables.
Parlez-nous des techniques et de l’évolution permanente de l’abri serre
Au Maroc, et en particulier dans la région d’Agadir, l’existence d’une expertise issue des écoles d’agronomie et installée dans la production directe a fait que le secteur du maraichage de primeur et des cultures sous-serres est l’un des plus performants du pourtour méditerranéen.
Il s’ensuit que les performances en matière de productivité sont tout à fait comparables aux zones de production méditerranéenne du sud de l’Europe. L’utilisation de systèmes d’irrigation localisé avec pilotage de la fertigation par ordinateur, l’emploi du greffage et de variétés de grande productivité et de grande qualité, le recours de plus en plus à la lutte biologique… tout cela explique le succès du produit marocain sur les marchés à l’exportation.
Actuellement le « talon d’Achille » de la production sous-serre est la vétusté du parc serricole marocain. Les producteurs en sont conscients et demandent une mise à niveau de cet outil productif par des serres de nouvelle génération permettant un meilleur contrôle des paramètres climatiques.
Au regard des investissements à mettre en œuvre, seule un accompagnement financier conséquent permettrait d’éviter le déclin d’un secteur très prometteur de l’économie nationale. Cette problématique des serres sera au cœur d’une conférence que nous organisons avec le support de l’Association des Producteurs Exportateurs de Fruits et Légumes (APEFEL) le 24 mars prochain à Agadir (www.agriconferences.com).