Quelle place pour l’agriculture face à la rareté de l’eau? La réponse de Hassan Benabderrazik

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Le stress hydrique est désormais ressenti et vécu au Maroc, même par les citoyens qui n’y étaient pas auparavant sensibles. La raréfaction de l’eau, la sécheresse qui en découle et la tension démographique ont fait de l’eau un enjeu majeur au cœur de la machine productive, en particulier pour l’agriculture, qui consomme environ 80% des ressources hydriques du pays. Selon un rapport de la Banque mondiale, le Maroc est l’un des pays les plus pauvres en eau au monde, se rapprochant rapidement du seuil de pénurie absolue de 500 mètres cubes par personne et par an. La réduction de la disponibilité en eau et la baisse des rendements agricoles due au changement climatique pourraient réduire le PIB à hauteur de 6,5%. La répartition de l’eau entre les différentes utilisations et secteurs est désormais nécessaire et implique des choix difficiles. Les règles appliquées au Maroc donnent la priorité à l’eau potable, empêchant souvent les agriculteurs d’irriguer leurs parcelles. Sur les dix dernières années, la moyenne des réductions des dotations destinées à l’agriculture est de 50%, ce qui a un impact négatif sur les périmètres irrigués publics tels que le Doukkala, le Tensift et le Tadla. Cette moyenne sous-estime cependant l’effort fourni par certains agriculteurs, qui ont des difficultés à accéder à l’eau pour l’irrigation.

Selon l’expert en ressources en eau, Hassan Benabderrazik, la concurrence entre l’agriculture et les villes pour l’eau au Maroc est inéquitable. Les agriculteurs ont investi dans des périmètres d’irrigation, mais sont obligés d’exploiter les eaux souterraines parce que la distribution d’eau n’est pas garantie par les infrastructures d’irrigation. Les agriculteurs doivent investir davantage pour exploiter les eaux souterraines, alors que l’eau pour les jardins et les piscines est prélevée sur les mêmes sources d’eau destinées aux agriculteurs, sans compensation. La Banque mondiale estime les ressources totales en eau du pays à 22 milliards de m3, mais l’offre d’eau a diminué et la demande a augmenté, ce qui a mis le Maroc en situation de stress hydrique structurel. Selon l’expert, les ressources hydriques présentées officiellement sont à revoir et la surexploitation des eaux souterraines est un problème. L’exploitation des nappes souterraines doit être régulée et maîtrisée pour éviter leur épuisement, mais le Maroc n’a pas réussi à mettre en place une politique efficace dans ce domaine.

Hassan Benabderrazik prend l’exemple de l’avocat, un produit exporté qui rapporterait environ entre 20 à 30 dirhams le kg. Si la culture de l’avocat est interdite, cela priverait les agriculteurs d’importants revenus et les investissements réalisés ne seraient plus rentables. L’économiste propose de réguler les nappes pour établir un équilibre dans les exploitations et renvoyer la responsabilité de l’ajustement de la baisse des disponibilités en eau à l’agriculteur plutôt que de limiter les exportations.

La répartition de l’eau et la place qui devrait être réservée à l’agriculture dans cette équation peut être analysée sous le prisme de l’économie plus globalement. La Banque mondiale estime que compte tenu du déclin structurel des ressources en eau, l’économie marocaine pourrait avoir plus de mal à rebondir après les sécheresses que par le passé.

Le changement climatique entraîne une baisse de la quantité d’eau disponible et des rendements agricoles, ce qui pourrait pousser plus de 1,9 million de Marocains (soit 5,4% de la population totale) à quitter les zones rurales d’ici 2050, selon les projections de la Banque mondiale. Le secteur agricole emploie près de 30% de la main-d’œuvre nationale et plus de 80% de la population rurale.

Les défenseurs d’une agriculture marocaine en phase avec l’aridité de son sol et de son climat avancent très souvent la notion de l’eau virtuelle pour justifier la culture des avocats et d’autres cultures nécessitant une quantité importante d’eau. Cependant, pour l’économiste, cette idée est fausse. Il explique que la quantité d’eau nécessaire à la production est relativement faible par rapport à la quantité de produits exportés, et que la plupart de l’eau utilisée retourne au sol sous forme d’infiltration, de recharge des nappes et d’évaporation. Le bilan net des exportations virtuelles est donc d’environ 7 milliards de m3 d’eau selon lui, ce qui est positif pour la balance commerciale du Maroc.

Enfin, certains appellent à utiliser les nappes fossiles pour résoudre la crise structurelle de la rareté de l’eau, mais cette solution n’est pas soutenable à long terme. Selon l’économiste, la régulation des nappes est une solution plus viable et responsable.

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